La
pêche au bord de l'effondrement partout sur la planète La nouvelle consolera peut-être les pêcheurs de la Gaspésie et des Maritimes. Ils ne sont pas seuls à ramener de moins en moins de poisson à bon port. Selon les experts d'un symposium sur la pêche de l'Association américaine pour l'avancement de la science, la pêche ne sera bientôt plus qu'un souvenir dans toutes les mers du monde. «La pêche est au bord de l'effondrement partout sur la planète», affirme Daniel Pauly, du Centre sur les pêcheries de l'Université de la Colombie-Britannique. «La crise est déjà présente et elle va empirer rapidement. Un abysse s'ouvre entre la consommation et la production de poissons. Dans les années quatre-vingt-dix, certaines tendances destructrices s'accélèrent. Il va falloir que quelque chose cède.» En gros, les pêcheurs visent des poissons de plus en plus petits, parce que les stocks de gros poissons baissent. «L'épuisement des bancs de gros poissons avait été rapportée de façon anecdotique, mais mon groupe de recherches a démontré qu'il s'agit d'un phénomène è010 . 0004.02émondial depuis le début des années soixante-dix», a dit M. Pauly. Les prises de saumons sauvages, par exemple, n'ont progressé que du quart entre 1981 et 1999, malgré le triplement de la demande. Les gros poissons sont prisés par les fins gourmets parce qu'ils ont plus de chair. Pour cette raison, la pisciculture moderne a visé les gros poissons, dépassant souvent la production de poissons sauvages. La piscicul è010 . 0000.00 éture occupe 55% du marché mondial du saumon, et l'aquaculture en général comble maintenant le quart de la demande, selon l'organisme Seaweb. Vu que les gros poissons sont carnivores, il faut les nourrir de petits poissons, augmentant d'autant la pression sur les stocks des océans. «L'aquaculture, qui était présentée comme une manière d'alléger la pression sur les ressources halieutiques, empire la situation, conclut M. Pauly. Nous n'avons pas su gérer la ressource. Comme la cueillette et la chasse, qui ont laissé leur place à l'agriculture et l'élevage, la pêche va être remplacée par l'aquaculture. Comme les forêts sont aussi en train d'être remplacées par des plantations sylvicoles, nous ne pourrons bientôt plus exploiter la nature sauvage.» Les conséquences de la fin de la pêche seront catastrophiques, selon M. Pauly. Outre les dommages irréparables aux écosystèmes marins, qui ont une part importante à jouer dans la régulation du climat terrestre, le démembrement de plusieurs communautés et traditions sociales sont à prévoir. Les élevages de poissons n'ont pas encore mis au point des techniques environnementales efficaces et polluent parfois beaucoup. L'industrie maritime sera chambardée, la structure de l'emploi dans les régions côtières aussi: la pêche permet davantage que l'aquaculture la subsistance des petits producteurs. Si l'effondrement est subit, et que l'aquaculture n'est pas prête à prendre le relais, les prix du poisson pourraient grimper en flèche, et certaines régions pourraient connaître la famine. L'aquaculture croît de 11% par année depuis le début
des années quatre-vingt-dix, et vaut plus de 50 milliards de dollars
américains, selon Seaweb, qui milite en faveur d'un changement
des pratiques de pisciculture. Seaweb veut que les gouvernements encouragent
l'élevage de petits poissons herbivores, comme cela se fait traditionnellement
en Asie, pour éviter de vider complètement les mers et utiliser
plus efficacement les ressources alimentaires. Il faut de deux à
cinq kilos de poisson sauvage pour produire un kilo de crevettes, de saumon,
de thon ou de morue, selon Seaweb. D'une façon similaire, beaucoup
d'écologistes considèrent que l'élevage de bétail
constitue un gaspillage de protéines végétales, puisqu'il
faut plusieurs kilos de céréales pour produire un kilo de
viande.
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